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encore, contre toute vraisemblance, mais tellement disjointe dans toutes ses parties, qu’à peine pouvait-on espérer qu’elle surnagerait encore quelques minutes avant de s’enfoncer dans l’Océan.

Il n’y avait pas une minute à perdre : on se précipite aux pompes, que l’on fait jouer avec fureur ; on bouche à la hâte les déchirures de nos embarcations criblées de mitraille ; puis, à force de bras, on les met à la mer.

Alors a lieu un spectacle déchirant et que je demanderai la permission d’indiquer sans développements : on voit les blessés se hisser sur les parois de l’Amphitrite, que la mer emplit déjà en bouillonnant. Les malheureux ! Mais qu’ils ne craignent rien ; leur sauvetage est la seule pensée de Maleroux ; lui-même, avec un calme et une présence d’esprit qui rendent ce travail facile, dirige leur embarquement dans nos canots.

Aussitôt nos embarcations pleines, elles se dirigent vers la Perle qui s’avance sur nous. La Perle et la mouche du Trinquemaley ont toutes les deux, d’un accord commun et spontané, suspendu leur feu après la catastrophe de la corvette. L’un et l’autre de ces navires nous envoient chacun deux canots. Le sauvetage général opéré, nous plaçons dans la chaloupe les victimes les plus maltraitées ; bientôt l’Amphitrite s’enfonce avec une vitesse si effrayante que nous sommes obligés de l’abandonner en laissant derrière nous quelques moribonds que la mer, qui déborde sur le tillac et par les écoutilles, va sauver d’une douloureuse agonie : nous poussons au large, mais, hélas ! de tous les malheurs que depuis la veille nous avons éprouvés, il nous reste encore le plus épouvantable à subir !

À peine la chaloupe qui porte Maleroux est-elle éloignée de quelques brasses du bord, que notre pauvre capitaine,