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Cependant, aux dernières lueurs du crépuscule, et aux premiers souffles d’une brise qui verdissait l’horizon, le hasard des batailles parut enfin se déclarer pour nous. Le mât d’artimon du Trinquemaley tomba tout à coup sur son avant et masqua de son fardage une partie des canons qui nous foudroyaient ; nous accueillîmes cet événement par un hurlement de triomphe.

— La victoire est à nous, mes amis ! s’écria Maleroux, qui, pendant toute la durée du combat, n’avait cessé de diriger l’action avec une habileté, un à-propos et un sang-froid que bien peu de marins ont possédés à un degré aussi éminent que lui ; courage ! nous reverrons l’île-de-France et nous garderons notre or.

Notre brave capitaine, après avoir prononcé ces paroles qui trouvèrent un écho dans le cœur de chaque matelot, s’empressa de profiter de la confusion que la chute de son grand mât avait jetée à bord du Trinquemaley pour opérer notre retraite à la faveur de l’obscurité.

Malédiction ! au moment où l’Amphitrite laisse arriver pour prendre chasse, au moment où, semblable à un oiseau qui étend ses ailes pour s’élancer dans l’espace, elle déploie ses trois perroquets à la fois, un horrible craquement, suivi cette fois de cris lamentables, arrête subitement la joie de notre équipage et le plonge dans la stupeur. C’est notre mât de misaine qui, percé de plusieurs boulets au-dessous des jattereaux, vient de tomber à la mer avec tous ses agrès et en entraînant quelques hommes occupés à larguer les voiles !

Un cri de rage et de défi a dominé le bruit produit par cette chute : c’est Maleroux qui se révolte contre la fatalité et la provoque.

Cloués à notre place et réduits à l’inaction, nous devons forcément recommencer le combat.