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À midi, la corvette anglaise – car elle avait arboré ses couleurs nationales – ayant gagné le vent, le feu s’engagea avec fureur entre elle et nous aussitôt que nous pûmes croiser efficacement nos boulets.


IX

J’ai assisté à bien des combats sur mer, mais jamais je n’ai vu, je puis le dire, un acharnement semblable à celui que déploya notre équipage dans cette circonstance. L’enthousiasme, la rage, la cupidité agissant tout ensemble sur nos matelots, centuplaient leurs forces et entretenaient leur ardeur. Beaucoup d’hommes atteints soit par des éclats de bois, soit par la mitraille, continuaient leur service comme si de rien n’était   ; quant aux morts, ils tombaient sans pousser une plainte, et leur dernier soupir s’exhalait avec une imprécation ou une parole de défi.

Ainsi se passa la journée, sans qu’aucun avantage marqué parût vouloir faire pencher la victoire d’un côté ou de l’autre.

La corvette anglaise the Trinquemaley, c’était son nom, portait bien, il est vrai, dix canons de plus que nous, mais nous avions sur elle deux grands avantages   : le premier, et le plus précieux de tous, était d’abord l’énergie de notre désespoir   ; le second, c’est que le navire ennemi ayant une batterie couverte, et, par conséquent, sa coque se trouvant de beaucoup plus élevée sur l’eau que la nôtre, nos boulets portaient sur lui presque à tout coup, tandis que les siens frappaient bien plus rarement l’Amphitrite.