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Notre brave Breton, après cette belle harangue, ordonne sur-le-champ à la Perle d’engager la goélette en temps opportun, tandis que l’Amphitrite prêtera côté à la corvette.

Ces dispositions bien arrêtées, Maleroux, qui à l’heure du combat oublie toujours sa tristesse habituelle et devient l’homme le plus actif et le plus animé de son bord, Maleroux se mêle de nouveau à l’équipage, qu’il enflamme par ses exhortations et par ses récits.

En effet, rien ne répugne davantage ordinairement aux corsaires que d’en venir aux mains avec les navires de guerre ; ils éprouvent pour ces combats stériles où leur valeur n’est pas récompensée par l’État et où leur liberté court de si grands dangers, une aversion presque insurmontable ! Seulement, cette fois, il s’agit de sauver de telles richesses, que pas un matelot ne faiblit ! Tous jurent de succomber plutôt dans la lutte qui va avoir lieu, que de céder, dans quelque position critique qu’ils puissent se trouver, à l’ennemi qui ose les attaquer.

Notre second, le Normand Duverger, est blême de fureur : il parle peu, mais on devine facilement à l’éclat fébrile de son regard, à ses narines gonflées, à ses lèvres minces, crispées par la colère, qu’au lieu de craindre l’heure du combat il l’appelle de tous ses vœux, et qu’elle le trouvera implacable et sans pitié !

En attendant, la chasse continue ; mais la Perle, que nous ne voulons pas abandonner et qui marche moins bien que nous, nous force de diminuer notre vitesse, et les vaisseaux ennemis nous gagnent main sur main. Encore une heure, et les voilà à portée de mousquet de nous ! Aussitôt, une vive canonnade s’engage, nous tirant en retraite et l’ennemi en chasse.

Le sort en était jeté ; le combat devenait inévitable.