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peine l’horizon, lorsque nous aperçûmes, au premier rayon du soleil levant, deux navires de différentes grosseurs naviguant dans nos eaux. En une seconde tous les yeux de l’équipage se fixèrent sur eux avec une curiosité pleine d’anxiété ; mais ils se trouvaient à trop grande distance de nous pour qu’il nous fût possible de reconnaître leur nature et leur nationalité.

Vers les huit heures, nous acquîmes la certitude qu’ils nous chassaient, et nous devinâmes, à l’incontestable supériorité de leur marche, quels adversaires nous allions avoir à combattre. Le premier de ces deux navires qui concentra d’abord notre attention, était un fort trois-mâts portant vingt-deux bouches à feu en batterie, plus deux canons sur son gaillard d’arrière ; le second, une goélette, qui nous parut lui servir de mouche, était armé de quatre canons et de deux obusiers.

— Vous voyez, mes amis, nous dit le capitaine Maleroux d’un air résigné et mélancolique, que je n’avais pas tort de compter sur ma mauvaise chance ! Au total, cela ne fait rien… Il ne s’ensuit pas que, de ce qu’il va y avoir un peu de besogne, nous devions nous considérer déjà comme perdus !… Cent trente frères la Côte, commandés par un capitaine comme moi, c’est-à-dire par un bon garçon, qui connaît son métier, je puis avouer sans orgueil, c’est connu… cent trente frères la Côte, donc, tous riches comme des négociants et des propriétaires, et portant leur fortune avec eux, ne sont pas si faciles à avaler qu’un œuf à la coque ou un verre de vin !… Donc, avec ou sans votre permission, je compte donner une telle brossée à cet Anglais incivil et gourmand qui veut nous happer au passage, qu’il s’en ressouviendra longtemps !

— Vive Maleroux ! vive le capitaine ! s’écria notre équipage plein d’ardeur.