Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/278

Cette page n’a pas encore été corrigée

Le sage et expérimenté Maleroux avait raison : bientôt nous laissons porter sur l’arabe comme si notre intention était de l’aborder, tandis que nos hommes, afin de mieux le confirmer encore dans cette idée, montent sur les bastingages et dans les haubans.

Encore quelques secondes et nous l’accostons à une demi-portée de pistolet ; alors l’équipage du galion, donnant dans le piège que vient de lui tendre si habilement Maleroux, abandonne à la hâte les canons qu’il n’a pas eu le temps de recharger, et se précipite tumultueusement en dehors des murailles et sur les agrès afin de repousser notre abordage, peut-être même aussi pour prendre l’initiative et nous attaquer. Oui : mais au moment où les Osmanlis croient n’avoir plus désormais qu’à envahir notre pont et à nous tailler en pièces, ce qui doit leur paraître chose facile, tant ils nous sont supérieurs en nombre, l’Amphitrite revient du lof et éclate comme un volcan ! Nos caronades, bourrées de mitraille jusqu’à la gueule, et cent espingoles contenant chacune six balles, inondent d’une pluie de fer et de plomb l’équipage du navire arabe à découvert, et couvrent son pont d’un monceau de cadavres !

Dès lors, une horrible confusion règne à son bord. Ses canons, les uns démontés, les autres mal servis, ne peuvent soutenir le feu roulant de notre artillerie ; quant à notre équipage, que la perspective des millions si habilement révélés par Maleroux un peu avant le commencement du combat enflamme d’une ardeur sans pareille, il ne craindrait pas de se mesurer, dans cette heure de délire, contre un vaisseau de 80.

Après avoir subi pendant une heure notre terrible canonnade, le galion, hors d’état de pouvoir résister davantage, substitue au pavillon anglais le pavillon arabe !