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élan, auquel, du reste, elle devait s’attendre, se mit à bondir avec une grâce et une légèreté de biche autour du monstre rugissant. Le Malgache suivait avec attention la jeune fille dans tous ses mouvements.

Cette joute, qui nous serrait le cœur, se prolongea assez longtemps ; la jolie enfant, excitée par quelques paroles d’encouragement ou de reproche que lui adressa son amant, s’élança enfin intrépidement sur le taureau en faisant tournoyer sa hache ! Soit qu’à ce moment suprême le courage lui fit faute, soit qu’elle manquât d’expérience ou qu’elle eût mal pris ses mesures : toujours est-il qu’elle effleura à peine de sa hache le col nerveux du monstre qui, la saisissant avec ses cornes affilées, l’envoya voler dans les airs à plus de vingt pieds de hauteur ! Deux fois la pauvre enfant, sur le point de retomber à terre, fut rattrapée au vol et lancée de nouveau dans l’espace par le taureau en fureur !… Je ne puis dire l’horreur et l’émotion que me causa cet affreux événement, que les indigènes accueillirent par des applaudissements frénétiques.

Quant au Malgache qui avait tout le temps accompagné et excité la jeune fille, il ne tarda pas à la venger en tuant le taureau.

Toutefois, après sa victoire, au lieu d’essayer, ce qui eût été, hélas ! superflu, de secourir la pauvre enfant, il se contenta, en passant auprès de son cadavre, de lever les épaules d’un air de pitié et de dédain, comme pour lui reprocher sa maladresse ; puis il continua tranquillement son chemin, sans retourner une seule fois la tête, sans adresser un dernier regard et un dernier adieu à celle qu’il avait peut-être aimée, et dont, à coup sûr, il venait de causer la mort !