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Peu à peu cependant l’enfant de Madagascar, s’animant à ces jeux sanglants, cessait de sourire : son regard prenait une expression de férocité inouïe, et il commençait sérieusement le combat. Tournoyant en agitant sa hache, qui semblait, en reflétant les rayons du soleil, lancer des éclairs, il finissait, le moment favorable venu, par se jeter, en poussant un cri rauque et guttural, sur son formidable ennemi, qui tout à coup chancelait et tombait, comme s’il eût été foudroyé : le Malgache lui avait coupé les deux jarrets de derrière.

C’était alors un triste spectacle que de voir ce pauvre taureau, si beau naguère dans sa fureur, se traîner alors péniblement, en laissant après lui une longue trace de sang, et faire retentir de ses beuglements plaintifs les échos d’alentour ; mais le Malgache implacable se jetait à la poursuite, et lui fendait bientôt le crâne d’un nouveau coup de hache.

Plus de trente taureaux avaient été immolés, et nous espérions, car ce carnage, que nous contemplions à froid et sans participer à l’animation et aux dangers de la lutte, avait fini par nous causer un profond dégoût ; nous espérions, dis-je, que les courses étaient terminées, lorsque nous vîmes tout à coup une jeune et fort jolie Malgache, âgée à peine de vingt ans, s’avancer à son tour pour combattre. Un Malgache, son amant ou son mari sans doute, l’accompagnait.

Je ne puis dire l’émotion que ce spectacle, auquel j’étais si loin de m’attendre, me causa.

La jeune fille, après avoir choisi son ennemi, lui lança, en accompagnant cette action d’un joyeux rire, sa zagaie en plein corps. L’animal, touché au milieu de la poitrine, poussa un long beuglement plein de rage, et se précipita sur la fière et jolie imprudente, qui, sans se laisser intimider par cet