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la reine, et que, ma mission n’ayant pas réussi, je ne voyais pas la nécessité de sacrifier.

L’air de bonne foi et de sincérité que je mis dans ma réponse parut convaincre le grand dignitaire, qui me souhaita un bon voyage et me conseilla de ne pas perdre tout espoir ; qu’à mon retour, peut-être, dans cinq jours, je trouverais le conseil et la reine mieux disposés au sujet de l’alliance ; que quant à lui, il avait pris mes intérêts, et qu’il comptait que je voudrais bien ne pas oublier cette circonstance et lui apporter un tonneau d’arack.

Craignant si je montrais une grande facilité à accepter toutes les demandes qui m’étaient adressées, d’éveiller des doutes sur mon intention de tenir mes promesses, je me récriai énergiquement contre cette prétention exorbitante : enfin, après une longue discussion, nous réduisîmes le tonneau à six bouteilles.

Ce marché illusoire conclu, je m’acheminai, la tête haute et la démarche assurée, vers la paillote, où, la veille au soir, nous avions reçu une si douce et si brillante hospitalité. Hélas ! au lieu de nos charmantes danseuses, que nous ne devions plus revoir et dont le souvenir seul devait rester dans notre esprit à l’état de rêve, nous trouvâmes une foule avide, et presque menaçante, de Malgaches de tout âge et de toutes conditions, qui entouraient le grand coffre où reposait le présent que j’étais chargé par le capitaine Cousinerie d’offrir à la reine, en cas de la réussite de mon ambassade. Je compris que la mauvaise issue de ma négociation avait déjà transpiré au-dehors, et je m’empressai de déclarer que je devais revenir dans cinq jours. Malheureusement, le Malgache est bien, sans contredit, l’homme le plus méfiant et le plus soupçonneux que l’on puisse imaginer, et mon mensonge, malgré le ton d’assurance avec lequel je le débitai, ne rencontra qu’une incrédulité générale et complète.