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guerre ? .. D’abord dans l’Inde on fait ce qu’on veut… c’est le pays des occasions… Enfin, suffit ; je me comprends…

Lorsque nous atteignîmes le banc des Aiguilles, nous y éprouvâmes l’inévitable mauvais temps qui règne toujours dans ces parages. Un jour que le vent donnait avec plus de force qu’à l’ordinaire, Kernau, en entendant l’officier de quart commander de prendre un ris, m’entraîna avec lui.

— Allons, vieux, me dit-il, c’était son terme d’amitié, allons voir un peu quel temps il fait là-haut.

Quoique je fusse peu habitué à la gymnastique maritime, et que le roulis, épouvantable ce jour-là, m’empêchât presque de me tenir ferme debout, je n’en suivis pas moins mon matelot ; car, désireux d’apprendre mon métier, je m’étais fait une loi de lui obéir aveuglément en toute circonstance.

Agile et adroit comme un frère la Côte, Kernau, lorsque je le rejoignis sur la vergue, avait déjà passé plusieurs tours de raban d’empointure.

— Allons, petit, courage, me dit-il, affermis-toi bien sur le marchepied, pour te préparer à haler la voile au vent, et surtout ne regarde pas dessous de toi…

Ce que l’on appelle le marchepied est tout bonnement un cordage de moyenne grosseur, attaché au bout et au milieu de la vergue, et qui se balance dans l’espace.

En me voyant ainsi suspendu à près de quatre-vingts pieds au-dessus d’une mer furieuse qui enlevait la frégate comme si elle eût été une tige de paille, je me sentis pris de vertige, et je me cramponnai du mieux que je pus.

— Kernau, dis-je à mon matelot, je sens que je ne puis plus résister ; je vais tomber.

— Bah ! est-ce qu’on tombe ? me répondit-il avec un