Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/245

Cette page n’a pas encore été corrigée

commençaient leurs danses, m’arracha bientôt à mes réflexions.

Les débuts de nos aimables convives ne furent pas, je dois l’avouer, très brillants. Un léger balancement du corps, de continuels mouvements des bras et des mains, accompagnés d’un léger trépignement des pieds, tels furent les préludes de leurs exercices chorégraphiques. Peu à peu, cependant, leurs jolies figures et leurs grands yeux impassibles et froids jusqu’alors, s’animèrent et brillèrent de passion ; leur danse se développa et prit un caractère plein de sauvagerie et de grandeur qui n’excluaient pourtant ni la naïveté ni la grâce. J’étais ravi. Quant à mes deux matelots, François Poiré et Bernard, je demanderai au lecteur la permission de ne pas essayer de décrire l’état d’enchantement et d’excitation dans lequel ils se trouvaient : cet essai prendrait à lui seul deux pages entières.

À présent, comment, avec la seule aide d’une plume, retracer la métamorphose qui s’opéra bientôt encore dans la danse de nos jeunes bayadères ? Cela me serait impossible ; un pinceau, et encore faudrait-il qu’il fût bien habile, pourrait seul donner une idée des élans inspirés et fougueux, des gestes naïvement provocants, des disloquements gracieux malgré leur hardiesse, qui, réunis en un ensemble enivrant et original, formaient la danse la plus extraordinaire qu’il fût possible d’imaginer !


Sous le charme fascinateur d’un pareil spectacle, je ne ressentais plus ni fatigues ni envie de dormir ; mon sang me brûlait dans les veines ; j’étais ébloui. Combien de temps durèrent ces danses, je ne saurais le dire, car j’avais perdu la conscience de la vie réelle. Toujours est-il que quand nos jeunes Malgaches se laissèrent glisser, accablées d’émotion, sur les nattes qui recouvraient le sol,