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— Voyons un peu cette invention !

— Elle est magnifique. Vous saurez, seigneurie, que nos rois peuvent se marier et se marient autant que cela leur est possible. Un roi voit passer une femme devant son Louvre ; il l’appelle, elle entre, y reste une heure, et quand elle sort, elle a le droit de s’appeler femme du roi !… Elle revient, à partir de ce moment, trouver son époux, jusqu’à ce que celui-ci la répudie publiquement, ce qui n’a pas toujours lieu tout de suite, car on a vu des rois s’attacher à leurs femmes et les garder pendant fort longtemps… quelquefois quinze jours. Une fois le divorce prononcé et publié, cette femme devient inviolable. Malheur à celui qui ose alors lui parler d’amour ! Il est tout de suite condamné à l’esclavage !… Or, comme chaque roi possède un millier d’épouses parmi les plus jolies filles, cela lui rapporte chaque année une dizaine de cargaisons de négriers.

L’interprète en était là de sa curieuse conversation, lorsque nous atteignîmes la fin de la lagune. Ce fut à regret que je mis pied à terre : l’air était imprégné de si enivrantes senteurs, la nuit si belle, notre navigation si douce, que j’eusse volontiers consenti à passer le reste de la nuit couché dans le fond de la pirogue. La nappe d’eau que nous venions de franchir avait à peu près cinq lieues. Nous étions donc au moins au milieu de notre voyage.

Le chef du village où nous descendîmes s’empressa, l’annonce de notre arrivée nous ayant devancés, de se rendre à notre rencontre. Il nous accueillit à merveille, et s’empressa de nous emmener dans sa case, où nous attendait un repas à peu près pareil à celui que nous avait déjà donné le sous-roi, mari de la charmante amboulame.

Je m’empressai de reconnaître sa gracieuse hospitalité en lui faisant don d’une bouteille d’arack. Je ne rapporterai