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violente d’une épine, fort pointue et tranchante, dans la chair, n’amène pas sur la peau quelques gouttes de sang.

— Ah ! oui, je conçois… mais, c’est que je ne vous ai pas tout dit : l’exécuteur chargé de l’opération est un homme qui connaît parfaitement son affaire… D’abord il commence par tenir le bras du patient levé pendant une minute ou deux, puis il le frictionne fortement pour en faire descendre le sang ; ensuite il n’enfonce l’épine que par petits coups, et avec une précaution extrême, entre la chair et la peau… J’ai assisté à plus de mille opérations semblables, et je n’ai pas vu le sang couler plus de dix fois ! … Et puis, encore une chose : c’est que si un exécuteur manquait deux ou trois fois de suite son opération, le roi le soumettrait lui-même à l’épreuve… tandis que s’il réussit toujours, son gracieux souverain le récompense…

— En argent, en effets ou en arack ?

— Oh ! non ; les rois ne donnent jamais… Ils nomment l’exécuteur adroit un de leurs ministres.

— Diable ! mais vos rois me semblent être d’excellents négociants.

— Je crois bien, seigneurie !… Vous ne pouvez vous imaginer comme ils ont de l’esprit et combien ils s’occupent de leurs sujets.

— Je ne dis pas non ; je trouve seulement que pour se procurer des esclaves, ils abusent un peu trop des épines de raquette.

— Vous vous trompez, seigneurie, les épreuves n’ont lieu que lorsque l’accusé proteste de son innocence, que quand on lui reproche un crime vague et imaginaire ; mais il y a des délits qui entraînent avec eux, de droit, la peine de l’esclavage, sans que l’on ait besoin pour cela d’éprouver les délinquants… C’est encore là une bien belle invention de nos excellents souverains…