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— Et les caïmans, vous ne les comptez pas ?

— Les caïmans sont une émanation de Angatch, comme la maladie, les serpents, tout ce qui est nuisible à l’homme, en un mot, et c’est en cette qualité qu’on les respecte…

— Ah ! très bien, je comprends. Ainsi, les Malgaches sont religieux ?

— Extrêmement, seigneurie. Quand un Malgache craint un danger, il adresse des prières à cause de ce danger à Angatch, et lui fait des sacrifices.

— Et le génie du bien, le dieu Zanhar, vous ne m’en parlez pas ?

— Oh ! Zanhar, lui, on ne s’en occupe que rarement.

— Pourquoi cela ? Sa puissance est donc inférieure à celle de Angatch ?

— Non, seigneurie, elle est égale ; mais comme Zanhar est bon et qu’il ne nous fait jamais de mal, il est inutile de se déranger pour lui : toutefois, de temps en temps, on lui adresse par-ci par-là, car il serait capable de se fâcher si on le négligeait trop, un petit souvenir ; on lui sacrifie une poule maigre ou malade… Ça suffit !

— Merci de vos renseignements : je ne tirerai plus, à présent, sur les caïmans qu’en cachette.

Nous étions à peu près, au dire du Portugais, au tiers de notre traversée, car un cap sablonneux qui coupait presque la nappe d’eau en deux arrêtait notre regard et nous empêchait d’apprécier la distance qui nous restait à franchir, lorsque la nuit tomba.


À Madagascar, comme au reste dans presque toutes les terres tropicales, le crépuscule n’existe pas ; les ténèbres succèdent presque au jour sans transition.

Notre pirogue avançait en silence, côtoyant les rives