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je restai un moment tout abasourdi et n’osant en croire le témoignage de mes yeux. Au lieu de ces matelots si coquets, de ces quartiers-maîtres et de ces officiers revêtus de brillants uniformes, que mon imagination rêvait depuis si longtemps et sans cesse, je n’apercevais que des gens sales, débraillés, couverts de misérables haillons, ressemblant bien plutôt à des pirates ou à des bandits qu’à des serviteurs de l’État. La propreté du navire laissait également beau­coup à désirer.

Je n’étais pas encore revenu de ma surprise, lorsque le capitaine de Beaulieu passa à mes côtés. Quelque bon que fût mon cousin, et personne n’était meilleur et plus affable que lui, il ne daigna pas m’adresser la parole. À peine laissa-t-il tomber sur mon humble personne un regard froid et distrait. Je ne m’attendais certes pas de sa part, lui-même m’avait prévenu à ce sujet, à une réception expansive, mais je comptais au moins sur une parole bienveillante, sur un mot d’encouragement ; aussi, en voyant cet accueil glacial, me figurai-je un instant qu’il ne m’avait pas reconnu. Mon erreur fut de courte durée.

— Lieutenant Mamineau, dit-il en me désignant par un léger signe de tête à un officier que j’appris plus tard être le lieutenant en pied, faites placer cet homme à la timonerie en qualité de pilotin.

Une fois cet ordre donné, mon cousin me tourna le dos sans s’occuper davantage de moi. Quatre jours après mon embarquement à bord de la Forte, nous quittâmes le mouil­lage de l’île d’Aix. Nous étions à peine depuis une semaine en mer, quand un coup de vent violent nous assaillit et nous sépara des corvettes la Mutine et la Bonne-Citoyenne. La division se trouva donc réduite à quatre frégates.

Je n’imposerai pas au lecteur le récit des souffrances que me