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on ne peut pas attendre de politesse d’un espion… Après tout, faut avouer que je lui ai fendu un peu le crâne… Crénom, je me sens faignant… assois-moi par terre… — Attends-moi, matelot, lui dis-je avec émotion après avoir obéi à son ordre, je m’en vais chercher des secours. — Pas la peine, vieux, je suis cuit… n, i, ni, c’est fini ! Ah ! nom de noms… tout de même je boirais bien quelque chose… Ah ! pardieu… on dirait… on dirait… que je vas tourner l’œil… Je ne vois plus clair… C’est y bête… Je suis donc une poule !… Dis donc, Louis… Ho… holà… moi qu’avais tant de choses… de blagues… à te raconter… Ça tombe mal… Mon pauvre matelot prononça encore quelques paroles inintelligibles ; puis bien tôt ses membres se roidirent dans une convulsion suprême. Je me penchai sur lui et je saisis sa main dans la mienne ; elle était froide : Kernau venait de rendre le dernier soupir ! Je ferai grâce au lecteur de l’émotion que me causa cette mort. Je dois dire toutefois que le lendemain, dans la journée, l’on retrouva à cinq cents pas au plus de l’habitation de M. Montalant, le cadavre de l’espion ou du matelot anglais, enfin de l’homme à la jaquette blanche, car ce mystère ne fut jamais expliqué, étendu dans un champ de cannes à sucre ; l’inconnu avait eu le crâne défoncé d’un coup de bâton. Quant au nègre Scipion, quoiqu’il eût été solidement garrotté et qu’un serviteur fût resté toute la nuit de garde à la porte de sa prison, on s’aperçut avec étonnement, le lendemain matin, en entrant dans sa geôle, qu’il s’était débarrassé de ses liens. Il était couché tout de long par