Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/204

Cette page n’a pas encore été corrigée
— 8 —

— Eh bien, capitaine, oui, vous avez été empoisonné ! s’écria le docteur avec véhémence, oui, l’on a voulu vous assassiner !… Mais, ne craignez rien… je crois pouvoir répondre de vous… Il ne me semble pas que tout soit désespéré.

— Faites, monsieur, répondit tranquillement l’Hermite, cela ne me regarde pas !

À ce mot d’empoisonnement, un cri spontané de surprise et de désespoir avait été poussé par tous les convives.

— Ce qui m’afflige, docteur, dit l’Hermite, c’est qu’il y ait un homme au monde qui ait pu m’en vouloir à ce point… J’espérais n’avoir pas d’ennemis.

— Ce n’est pas un homme, mon capitaine, c’est un singe malfaisant…

— C’est ça ! s’écria en ce moment, à la porte du salon, une voix rude et émue.

Tous les regards se tournèrent vers l’interpellateur, et je vis Kernau, dont l’énorme poing droit s’abaissait en ce moment sur la tête d’un grand nègre qu’il tenait de sa main gauche, à moitié terrassé. L’esclave poussa une espèce de mugissement étouffé et tomba lourdement à terre. Je reconnus Scipion.


II

On transporta l’Hermite dans sa chambre. Nous étions tous plongés dans la consternation.

Quant à Scipion, que l’homérique coup de poing de mon matelot avait privé de connaissance, on lui lia étroitement les membres et on le jeta dans la geôle de l’habitation.