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Mon matelot, après avoir prononcé ces paroles avec une colère concentrée, se dirigeait vers la porte, lorsque M. Montalant l’arrêtant : — Est-ce que vous nous abandonnerez ainsi, lui dit-il avec bonté, parce que nous ne nous trouvons pas être du même avis ? Restez avec votre matelot tant que vous voudrez à mon habitation : vous devez avoir bien des choses à vous raconter. Quant à moi, plus vous demeurerez sous mon toit et plus j’en serai content. — Au fait, c’est vrai, pourquoi que je ne resterais pas ? s’écria Kernau. Oui, positivement, il vaut bien mieux que je ne m’éloigne pas ! Pourquoi ? Dame, ça ne regarde personne… j’ai mon idée… seulement, comme je ne tiens pas à ce que l’on me gouaille encore… je la garde pour moi. Merci, monsieur, de votre permission, je l’accepte et ne m’en vais plus ! Le lendemain de ce jour je dînai avec l’Hermite. C’était lui qui m’avait fait inviter par M. Montalant. La conversation tomba naturellement sur notre dernier combat et sur la mort de l’infortuné Graffin ; à ce souvenir je vis une expression de tristesse profonde se peindre sur le visage de l’Hermite, qui, à partir de ce moment, garda un sombre silence. L’on venait de servir le dessert et les liqueurs, lorsque l’Hermite, qui ne s’était plus mêlé aux propos des invités que par quelques rares monosyllabes, pâlit tout à coup et fut obligé de se cramponner à la table pour ne pas tomber. — Qu’avez-vous donc, capitaine, s’écria M. Montalant avec effroi, vous sentiriez-vous indisposé ? — Oui, mon cher hôte, très indisposé, répond l’Hermite avec effort ; mais ne vous dérangez pas pour moi… Ce n’est rien… Un peu d’air dissipera sans doute ce malaise.