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— Bon ! Or donc, l’English, qui calcule un peu bien, se dit : Tiens, voilà un gaillard qui va me flibuster un tas de millions : ne vaudrait-il pas mieux sacrifier dix, vingt, cinquante, cent mille francs même, et garder mes millions ? Positivement oui, ça vaudrait mieux ! Comprends-tu ?

— Ma foi, pas trop ! Explique-toi plus clairement.

— Définitivement, t’as beaucoup grandi, mais c’est tout ! Quoi ! tu ne comprends pas qu’avec cent mille francs on n’a que l’embarras du choix pour trouver un gredin qui vous descende un homme ?

— Que dis-tu là ? m’écriai-je en frémissant.

— Dame ! ce que je pense. Pourquoi donc que cet English, déguisé en espèce de planteur, avait ici un rendez-vous avec le nègre Scipion pour lui causer de l’Hermite ?… Pourquoi qu’il lui promettait vingt gourdes, mille noms de noms ?… Pourquoi qu’il portait un pistolet caché sous sa veste ?… Pourquoi qu’en m’apercevant il a pâli et pris la poudre d’escampette ?… Tout ça, c’est pas des frimes, quand le diable y serait ; ça doit signifier quelque chose !

— Oui. Le fait est qu’en réfléchissant froidement à toutes les circonstances, il y a là un mystère qui mérite la peine d’être approfondi. Je m’en vais de ce pas trouver M. Montalant et lui faire part de mes soupçons… Veux-tu m’accompagner ?

— Tiens, pourquoi pas ? Je t’aiderai toujours un peu dans tes explications !

Nous arrivâmes en quelques minutes à l’habitation, et le bonheur voulut que M. Montalant se trouvât devant la porte.

— Puis-je vous parler tout de suite, en particulier, mon cher monsieur, lui dis-je ; j’ai à vous entretenir d’une affaire on ne peut plus importante, et qui ne souffre pas de retard.