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— Eh bien ! voyons, continue, alors, je t’écoute.

— Or donc, v’là que la peau d’ébène, après avoir suifé sa poulie avec la rack, dit comme ça à l’English, car la jaquette blanche, c’était, je te le répète, un English… ça fait pas pour moi un doute… il dit donc comme ça à l’English… dans son patois : « Moi prêt… l’Hermite li veni… li pi s’en aller d’ici… moi gagner les vingt autres gourdes… »

— Ah ! satanées canailles, que je m’écrie alors, vous allez m’expliquer un peu cette histoire, ou je vous cogne à mort !

Le noir Scipion et la jaquette blanche, en entendant ma voix, font une drôle de boule… Le premier roule de gros yeux qu’on n’y voit plus que le blanc ; le second pâlit, porte vivement sa main sous sa casaque et en retire un pistolet… Quant à moi, je vais pour me jeter sur eux, quand ma mulâtresse, que le tonnerre écrase, m’empoigne dans ses bras, me serre avec fureur… Une Hercule, que cette femme, vieux… Moi, plein d’égards pour elle, je me contente de lui envoyer un simple coup de poing au milieu de la face… Ah ben ! oui… c’est tout comme si je chantais !.. Elle n’y fait pas même attention !… Moi, toujours galant, ne voulant pas abîmer cette pauvre petite poule, je lui flanque seulement deux nouvelles gifles, histoire de lui casser quelques dents. Tu crois que ça la calme ?.. Tout le contraire… ça la rend furieuse. Elle se cramponne à moi, me mord et m’égratigne, tout en répétant : « Moi aimer beau Scipion, moi pas voulé toi batte li. » Dame ! que te dirai-je, on est Breton et galant, c’est incontestable, mais ça fatigue, à la longue, d’être égratigné et mordu… Bon !… que j’pense, faut pourtant en finir ! Je regarde alors ma belle avec tendresse, et je l’assomme d’un coup de poing sur la tête. Elle ferme l’œil, fait la morte et me lâche !… Bon, j’profite de l’occasion, je