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devenu, d’un enfant peu expérimenté, un quasi-marin, cela ne m’avait pas rendu meilleur écuyer que n’eût pu l’être un collégien, car, je l’avoue, je n’avais jamais encore de ma vie monté à cheval.

Je ne sais s’il faut attribuer à mon inexpérience, ou bien à la vivacité de ma monture, peut-être, plutôt encore à ces deux causes réunies, les mésaventures qui m’arrivèrent pendant mon petit voyage, toujours est-il que deux fois je fus désarçonné.

Ma bête, fière probablement de ces premiers avantages, augmentait de plus en plus de vivacité, tandis que moi, humilié de ces défaites et voulant prendre ma revanche, je redoublais d’opiniâtreté. De ce manque complet d’entente cordiale entre le cavalier et la monture résulta naturellement un assez long retard pour moi. Il était près de quatre heures lorsque je parvins en vue de l’habitation ; seulement, soit que mon cheval, furieux de voir qu’en dépit de lui je fusse venu à mes fins, soit que la joie de mon triomphe eût donné trop d’énergie à ma cravache, toujours est-il qu’en passant auprès d’un champ de cannes à sucre il se cabra si subitement et avec une telle violence, qu’il m’envoya voltiger par-dessus sa tête.

Je me relevais, humilié, meurtri et contusionné, lorsqu’un coup rude et inattendu que je reçus sur l’épaule manqua me faire tomber par terre. Je crus, au premier moment, à une attaque, et me rejetant vivement en arrière de quelques pas, je me mis en défense.

En effet, un homme portant un costume de planteur se tenait droit et immobile devant moi.

— Pourquoi m’avez-vous frappé ? demandai-je avec fureur à l’inconnu en m’apprêtant à m’élancer sur lui ; mais celui-ci me tendant les bras :