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Alors une acclamation répétée par les échos de la baie s’élève, immense et délirante, vers les cieux : les forts aux aguets mêlent aussitôt la grande voix du canon aux joyeuses clameurs de la foule : c’est un hymne bruyant, un triomphe improvisé et véritable, à rendre jaloux un roi !

Enfin le canot accoste, abritant les premiers rangs des spectateurs sous ses couleurs parlementaires. Le quai disparaît sous le flot des assistants, on se pousse, on se jette à l’eau pour voir de plus près le héros que la générosité de sir Pelew rend à la France.

L’Hermite veut s’élancer sur la plage, mais son pied ne la touche pas ; saisi au milieu de son élan par cent bras enthousiastes, il est enlevé sur un pavois improvisé avec des avirons, et malgré les efforts que lui fait tenter sa modestie, malgré ses prières, malgré sa résistance, il est porté en triomphe, au milieu des hurlements de joie de son nombreux cortége, vers le palais du gouvernement.

Quant à moi, l’un des premiers je l’ai reconnu, le premier je l’ai salué d’un cri parti du cœur lorsqu’il est descendu à terre ; il m’a remarqué et il m’a souri ; peut-être m’eût-il appelé par mon nom s’il n’eût été occupé à se dérober aux empressements de la foule ; je me suis trouvé plus heureux de cette reconnaissance et de ce sourire, que jamais n’a pu l’être un amant épris en obtenant le premier gage d’amour de sa maîtresse. Hélas ! ma joie est tempérée, en remarquant que des six officiers restés si noblement avec leur capitaine, trois manquent en ce moment à l’appel. Deux ont été retenus prisonniers par sir Pelew pour servir à constater la destruction de la Preneuse ; le troisième est l’enseigne Graffin !

Depuis quelques jours que l’Hermite était à terre, j’a-