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Quant à moi, grâce à la généreuse hospitalité de M. Montalant, qui m’avait attaché, en qualité de dessinateur, à son atelier de construction, je menais une vie qui sans le désir dont j’étais tourmenté de reprendre la mer eût été tout à fait heureuse.

Un matin que je me promenais, selon mon habitude quotidienne, sur la plage, je vis les deux vaisseaux anglais, après s’être ralliés ce jour-là de meilleure heure qu’à l’ordinaire, se présenter devant la rade, hors de la portée des forts, puis, munis tous les deux d’insignes parlementaires, mettre en panne.

Bientôt une embarcation se détache du vaisseau amiral, tandis que des coups de canon, tirés successivement par chaque croiseur, à intervalles égaux, amènent toute la population de la ville sur le rivage. Les uns prétendent que ces coups de canon nous sont adressés en signe d’adieu ; d’autres qu’ils constituent une bravade ; enfin, chacun se livre à ses suppositions.

Pendant ce temps-là l’embarcation que j’ai vue se détacher du vaisseau amiral continue d’avancer vers le rivage ; bientôt elle attire tous les regards. On distingue derrière les rameurs des uniformes d’officiers qui ne sont point ceux de la marine anglaise, des uniformes qui ressemblent aux nôtres. Tous les cœurs battent ; la même pensée, rapide comme l’éclair, a parcouru toute la foule, et chacun spontanément, sans se faire part de son espoir, se précipite vers l’embarcadère.

L’embarcation n’est plus qu’à une vingtaine de brasses de terre, lorsque, du groupe des officiers réunis sur son arrière, se lève un homme qui se découvre et salue la foule. Plus de doutes, c’est lui ! à sa chevelure blonde, à ses yeux bleus et doux qui respirent l’audace et la bonté, à sa contenance noble et martiale, on doit le reconnaître : c’est l’Hermite !