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— Vous ne vous doutez probablement pas, monsieur, me dit-il, que nous sommes déjà des connaissances. Oh ! n’interrogez pas vos souvenirs. Vous ne m’avez jamais vu, c’est vrai ; mais nous nous sommes déjà trouvés l’un et l’autre en présence dans la baie de Lagoa.

— Quoi ! vous étiez sur l’un des navires que nous avons attaqués dans la baie de Lagoa ? m’écriai-je avec une certaine émotion, car le souvenir de ce désastre m’impressionnait encore.

— Que vous avez attaqués, non pas ; seulement, vous souvenez-vous qu’avant le commencement de l’action une goélette vous passa en poupe ?

— Parfaitement, monsieur ; cette goélette nous parut même posséder un très petit nombre de matelots.

— Cela se conçoit : j’avais fait, car c’était justement moi qui commandais cette goélette, cacher l’équipage. J’étais envoyé par le capitaine de la corvette pour avertir les autorités anglaises du cap de Bonne-Espérance de votre présence dans ces parages et de votre audacieuse agression… C’est à cette mission, que je remplis avec bonheur, que vous devez, ne m’en voulez pas pour cela, d’avoir eu le Jupiter à combattre. Je dois à présent vous avouer loyalement qu’au Cap on ne craignait qu’une chose en envoyant ce vaisseau contre vous, c’est qu’il ne pût vous rejoindre… Quant à votre capture, elle n’était pas même le sujet d’un doute. Jugez donc du sentiment de dépit et d’admiration tout à la fois que nous ressentîmes en voyant revenir, quelques jours plus tard, le Jupiter battu et coulant bas. Depuis lors, le nom de l’Hermite avait grandi parmi nous de toute la hauteur de cet exploit… Le combat d’aujourd’hui le met à tout jamais au premier rang.

— Pardon de ma question, monsieur, dis-je au lieutenant Green,