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un sourire. Le fait est que cette brillante conduite de la Preneuse avait excité au plus haut point l’intérêt des habitants en notre faveur, et que chacun d’eux, nous considérant tous comme des héros, mettait son amour-propre à tâcher d’accaparer le plus humble d’entre nous pour lui faire raconter les épisodes du combat.

Troublé par toutes ces amabilités bruyantes, je ne savais à qui répondre, lorsqu’à la vue de M. Montalant, le constructeur de navires dont j’ai déjà parlé, qui accourait à moi les bras ouverts, toutes mes incertitudes cessèrent. Je le suivis à sa maison.

Une fois qu’il m’eut habillé, de pied en cap, avec ses effets, qu’il m’eut fait prendre un bon repas et dormir une heure ou deux, il me demanda le récit détaillé des événements qui s’étaient passés à bord de la Preneuse. La nuit était venue, et plusieurs visiteurs et surtout beaucoup de visiteuses, que ma présence avait attirés, encombraient le salon de M. Montalant ; ce fut devant un brillant et nombreux auditoire que je commençai ma narration, qui, je dois l’avouer malgré ma modestie, obtint un immense succès. J’en étais arrivé au récit de la mort de M. Graffin, et je voyais des larmes briller dans tous les yeux, je crois bien que j’étais aussi un peu attendri moi-même, lorsque la porte du salon s’ouvrit et qu’un nouveau visiteur entra.

À l’aspect d’un jeune homme de vingt-deux à vingt-cinq ans, qui se présenta avec d’excellentes manières, et s’en fut saluer le maître et la maîtresse de la maison, un vif mouvement de dépit ou de contrariété se manifesta parmi l’assemblée.

Le nouveau venu comprit tout de suite la gêne que causait sa présence, et jeta, en rougissant, un regard rapide autour du salon : il m’aperçut aussitôt.

— Monsieur, dit-il en s’adressant à mon ami Montalant