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efforts, malgré sa volonté de fer, pâlit en cet instant et fut obligé de s’appuyer sur l’enseigne Graffin. Pendant quelques instants il lutte contre la nature, mais enfin ses forces l’abandonnent, il penche la tête, ferme les yeux et s’évanouit.

Toutefois, avant de perdre connaissance, il trouve encore la force, soutenu par l’idée fixe qui le domine, d’ordonner à M. Dalbarade d’incendier la Preneuse.

— Monsieur Dalbarade, monsieur Viellard, s’écrie Graffin, aidez-moi à transporter le capitaine dans le canot qui stationne du côté de la terre ; pendant ce temps-là, ces messieurs incendieront la frégate.

Hélas ! malgré les efforts réunis, non pas seulement de l’enseigne et du lieutenant, mais bien de tous les officiers, auxquels je me suis joint, il nous est impossible, à cause de la trop grande inclinaison de la carène du navire, et de l’immobilité complète de l’Hermite, de le porter jusqu’à l’embarcation qui l’attend. Bientôt cette immobilité de notre pauvre capitaine est remplacée par des spasmes nerveux ; ses officiers désolés le couchent sur le pont, et le contemplent douloureusement en silence…

Les moments sont précieux, les secondes valent des heures. M. Dalbarade, après avoir rapidement consulté ses collègues, se décide, avec leur approbation, à faire accoster la yole par la hanche de tribord, qui, comme on le sait, se présente au large du côté de l’ennemi. Malheur ! à peine cette frêle embarcation a-t-elle doublé le couronnement de la frégate que mitraillée par le feu des vaisseaux, elle coule à pic, entraînant au fond de la mer dans ses débris ensanglantés les quelques hommes qui la montent.

Une stupéfaction morne et profonde s’empare des officiers : c’est un bien triste spectacle que celui que j’ai devant les