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un autre danger nous menace : nous serons forcés de mouiller sur un fond de madrépores tranchants (ou corail) qui, en quelques heures, couperont nos câbles ; dans ce cas, nous échouerons à une demi-lieue de terre et nous tomberons infailliblement entre les mains des Anglais.

L’Hermite, je ne dirai pas troublé, mais au moins agité, fixait un regard inquiet vers le ciel et interrogeait les nuages, quand une subite rafale venant tout à coup du large, masque nos voiles et nous menace, tant nous étions près de terre, de nous jeter à la côte.

La sonde donnait alors dix brasses, le fond diminuait de plus en plus, et comme nous étions sans pilote côtier, notre position s’aggravait à chaque nouvelle minute.

— Une seule manœuvre peut nous sauver, dit l’Hermite en s’adressant à M. Dalbarade ; faites mouiller de suite l’ancre de jet au large ; on embarquera son grelin à l’embelle, pour nous contretenir dans l’abatée que nous allons faire vers la terre ; et prenant alors bâbord amure, nous courrons au large pour revirer ensuite vers le port si la risée continue à souffler du même point. Aussitôt les voiles mises en ralingue, derrière poussent rapidement le navire vers la terre, l’ancre de jet fait bonne tête ; mais, nouveau sujet d’alarme, la sonde ne donne plus alors que sept brasses ! Il ne nous reste donc que quinze pieds d’eau environ sous la quille, pour parcourir un fond que nous ne connaissons pas et qui diminue progressivement d’une façon effrayante.

Bientôt, cependant, la frégate, après avoir décrit une longue courbe vers le rivage, commence à cingler au large. Bon espoir et patience. Encore quelques minutes de cette route, puis on revirera pour entrer ensuite vent arrière dans le Port Louis ; mais, hélas ! malgré tant