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Preneuse hissa son numéro pour se faire reconnaître. Quelques instants après, les vigies des montagnes apprenaient au gouverneur notre arrivée et notre position, c’est-à-dire que nous nous trouvions à trois lieues du Grand Port, faisant route pour le port nord-ouest, ou Maurice. À dix heures le vent du large avait remplacé la brise de terre, et nous voguions bon frais vers la capitale des îles, quand soudain deux voiles, masquées jusqu’alors par la côte, apparurent à nos yeux.

Toutes les longues-vues du bord se dirigèrent avec empressement, on me croira sans peine, vers ces deux navires, et restèrent longtemps braquées sur eux ; l’équipage attendait en silence le résultat des observations de ses officiers. M. Graffin fut le premier qui prit la parole.

— Ma foi, capitaine, dit-il, je ne sais si je me trompe, mais il me semble de toute évidence, au contour des formes de ces deux bâtiments, à l’élévation de leur mâture, à la symétrie de leur gréement, à la sévérité de leur installation, et par-dessus tout à la promptitude qu’ils viennent de déployer en se couvrant de voiles, que ce sont deux vaisseaux de ligne… ce qui ne laisse pas d’être assez contrariant… car nous avons tous envie de nous distraire un peu à terre… Bah ! après tout, on se distrait aussi pas mal avec les Anglais…

— En effet, messieurs, s’écrie bientôt après l’Hermite en s’adressant à ses officiers, M. Graffin ne se trompe pas… ces navires sont véritablement deux vaisseaux anglais ! N’êtes-vous pas de cet avis ?

— Oui, capitaine, répondent tous les officiers ; ce sont des vaisseaux anglais : le doute n’est pas possible.

Cette apparition, aussi formidable que soudaine et inattendue, frappa l’équipage (surtout lorsqu’on les vit pren-