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quelque chose de présentable ? Quant aux positions des navires et aux explications dont vous pourriez avoir besoin, nous nous chargeons de vous les fournir. Dans la baie de Lagoa, vous choisirez pour sujet le moment où près d’être atteints par le brûlot nous quittons le mouillage. Pour le Jupiter, nous désirons quatre positions : c’est-à-dire quatre tableaux. Cela vous convient-il ?

— Je suis à vos ordres, monsieur, et je ferai de mon mieux, vous pouvez en être persuadé : j’espère réussir.

— Voilà une modestie de bon augure ; et comment exécuterez-vous ces tableaux ?

— Au lavis en couleur (c’était ainsi que l’on appelait alors l’aquarelle), lui répondis-je, inspiré par une arrière-pensée qui fit bondir mon cœur de joie.

— Très bien. Vous travaillerez chez nous pour que personne ne vous dérange ni ne vous surprenne ! Avez-vous tout ce qu’il vous faut !

— Oui, monsieur… en fait de papier, pinceaux et couleurs… Seulement, l’eau me manque.

— Ah ! parbleu ! s’écria M. Graffin en souriant, vous ne manquez pas au moins de rouerie pour votre âge ! Le lavis exige-t-il beaucoup d’eau !

— C’est selon la manière de l’artiste, monsieur… moi, malheureusement, je lave beaucoup… je lave sans cesse… Je suis capable d’user deux carafes en un jour.

— Je vais tâcher de me les procurer… Mais songez que cette munificence vous oblige à beaucoup de talent… Si, après avoir tant bu, je veux dire tant lavé, vous ne réussissez pas, prenez garde, vous pourriez avoir à vous repentir de votre bonne aubaine d’aujourd’hui…

Cinq minutes plus tard, j’étais en possession, trésor inestimable et inespéré, de deux carafes pleines ; je laisse au lecteur la liberté de décider si mon papier les but à lui seul.