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— C’est mon parent.

— Certainement, capitaine.

— Veux-tu l’accepter, à la place de ton vieux Gobert, tué à notre dernière croisière, pour ton matelot ? Réponds fran­chement et pas par obéissance… Ça te va-t-il ? Réfléchis.

Kernau se retourna une seconde fois vers moi et m’exa­mina de nouveau.

— C’est bien jeune, mais ça me va, capitaine, répondit-il enfin avec flegme.

— Alors, affaire conclue. Seulement, retiens bien ceci : c’est que si tu t’avises d’épargner du service à mon parent, de le laisser fainéanter et que je m’en aperçoive… suffit… tu ne porterais pas ça en paradis.

— Dame, capitaine, tous les amis savent que Kernau ne connaît pas trop mal son métier… Je ferai de mon mieux pour l’apprendre à votre petit parent… Si je ne réussis pas, c’est qu’il sera, sauf le respect que je vous dois, un pas grand-chose, votre cousin…

— Bien. Je t’accorde une permission de deux jours… Tâche de bien te conduire.

Le capitaine Beaulieu en me serrant une seconde fois la main me glissa quelques louis, m’avertit tout bas que j’eusse à traiter convenablement mon matelot, et s’éloigna.

Une heure plus tard j’étais installé avec mon nouvel ami dans un des meilleurs cabarets de Rochefort. Kernau sem­blait assez embarrassé pour entamer la conversation.

— Dis donc ? me demanda-t-il enfin ; puis, s’arrêtant tout à coup et abandonnant le tutoiement : Dites donc, reprit­-il, c’est un crânement bon garçon