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nous nous reverrons, je ne serai plus que ton capitaine.

Mon cousin, après ce beau discours, se dirigeait vers la porte de sortie lorsqu’un matelot se présenta devant lui.

— Ah ! c’est toi, Kernau, mon vieux Breton, lui dit Beau­lieu avec bienveillance. Parbleu, tu arrives fort à propos ; ta vue me donne une idée… Mais que me veux-tu ?

— Capitaine, c’est une lettre que le lieutenant en pied, M. Mamineau, m’a chargé de vous remettre…

— Donne.

Pendant que mon cousin lisait sa lettre, j’examinai le matelot Kernau. C’était un solide gaillard, brun de peau, aux cheveux noirs, aux yeux brillants, à la physionomie franche, énergique et naïve tout à la fois. Il pouvait avoir près de trente ans. Son costume, d’une déplorable maturité, brillait plus de goudron que de propreté. Un mendiant eût certes dédaigné de le ramasser au coin d’une borne. Les matelots, à cette époque, étaient loin, sous le rapport de la tenue et de la mise, de ressembler à ceux d’aujourd’hui. Je ne dis pas ni que cela fût leur faute ni fit leur éloge, toujours est-il que quand sonnait l’heure de l’abordage,

Pieds nus, sans pain, sourds aux lâches alarmes,
Tous à la gloire marchaient du même pas.


— Kernau, reprit mon cousin après avoir terminé la lec­ture de sa lettre, tu vois ce jeune homme ?

— Oui, mon capitaine, répondit le matelot, qui me regarda, ou, pour mieux dire, qui m’inspecta des pieds jusqu’à la tête, avec autant de tranquillité que d’attention.