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l’Hermite en serrant la main de son lieutenant avec transport.

Puis, d’une voix émue, cette fois, par la joie :

— Courage, enfants, bravo ! Visez toujours au même endroit !


XIV

Pendant une heure suivie, le feu continue avec la même précision, le même acharnement. L’Hermite, l’œil ardent et inspiré, ne quitte plus du regard la dunette du Jupiter. Il lui faut, je le devine, une grande force de volonté pour ne pas laisser éclater la joie qui l’anime. Ce moment doit être le plus beau de sa vie. Ses officiers l’entourent en observant un profond silence : ils respectent son bonheur. Enfin, l’Hermite se retourne vers eux :

— Messieurs, leur dit-il d’une voix calme et tranquille, nos boulets ont enfin rempli leur mission : une autre brèche se forme à côté de la première ; il y a maintenant plus de cinquante coups visibles dans un rayon de dix pieds. Je crois donc pouvoir assurer, sans braver la fatalité, que nous sommes vainqueurs. Annoncez, je vous prie, cette nouvelle dans la batterie.

Les officiers s’empressent d’obéir à cet ordre ; une minute ne s’est pas encore écoulée, quand des cris de joie, plus furieux peut-être encore que ceux qui ont retenti pendant le combat, s’élèvent jusqu’aux cieux et prouvent que l’équipage partage les transports de son chef.

Alors se passe une scène dont le souvenir est aussi vivant pour moi aujourd’hui que s’il ne datait que d’hier.