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vifs sur le pont par les grandes piques des Anglais, on croirait les deux navires aux prises. La rage atteint chez nous son apogée.

Non seulement la fusillade continue, ardente et serrée, à bout portant ; mais il y a des matelots qui, ne trouvant pas de quoi satisfaire leur haine en appuyant le doigt sur la gâchette de leur arme, jettent leurs mousquets sur le pont, et, se saisissant de tous les objets les plus meurtriers qui leur tombent sous la main, les lancent sur l’ennemi, en les accompagnant d’imprécations inconnues jusqu’à ce jour. Tout à coup un horrible craquement vient dominer le tumulte de la bataille et calmer un peu les esprits : c’est notre boute-hors de clin foc qui se rompt contre la dunette du Jupiter et qui tombe à la mer avec sa voile !

Malgré cette avarie la Preneuse, continuant sa course avec précision, lâche d’enfilade et à bout portant sa volée dans l’arrière du vaisseau. L’effet de cette volée est immense ; elle massacre les équipages des deux batteries du Jupiter, le désempare de son gouvernail et de ses voiles, mutile et disperse les magnifiques sculptures de sa superbe poupe, et fait voler en éclats ses yoles élégantes. Son accastillage tombe en morceaux, et bientôt la poupe du vaisseau offre à l’œil l’entrée d’un gouffre obstrué par des débris.

— Chargez maintenant à deux boulets ronds, reprend aussitôt l’Hermite d’une voix impassible.

La Preneuse ayant envoyé vent devant, nous l’avons déjà dit, pour aborder le Jupiter, et par conséquent ayant aussi masqué en passant sur son arrière, abat alors