Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/129

Cette page n’a pas encore été corrigée

ne put, malgré toute la promptitude possible, diminuer de voiles assez à temps pour nous maintenir bord à bord ; entraîné justement par la supériorité de sa marche, il dut nous laisser de l’arrière.

À travers les masses de fumée qui roulaient entre lui et nous, nous apercevions la sommité de sa mâture, qui nous indiquait, par la vitesse de son déplacement, et la faute qu’il avait commise, et l’immense parti que nous devions en tirer.

Quant à l’Hermite, une telle métamorphose s’est opérée en lui qu’il n’est plus reconnaissable. Une auréole de gloire rayonne, pour ainsi dire, sur son front radieux et inspiré. De temps en temps, il lève au ciel ses yeux brillants d’enthousiasme et humides de reconnaissance.

— Messieurs, s’écrie-t-il avec transport, c’en est fait ! L’ennemi n’était pas préparé comme nous à diminuer de voiles !… Maintenant, il a beau masquer les siennes… il est trop tard… Voyez, il nous dépasse !… Il est tombé dans le piège que je lui tendais… Aucune puissance humaine ne pourrait m’empêcher maintenant de lui passer en poupe ou de l’aborder… La barre dessous, timonier ! s’écria-t-il alors d’une voix tremblante de joie, en haut tout le monde ! à l’abordage ! Hissez les grappins ! …

Et la frégate, venant du lof, met le cap sur le travers de son ennemi ; le feu de la mousqueterie commence.

— Commandant, s’écrie Dalbarade, il va encore trop de l’avant. Nous ne pourrons pas l’aborder.

— Peut-être, dit l’Hermite. Après tout, j’aime autant lui passer en poupe.

Enfin les deux navires se croisent et sont prêts à se heurter : la mer resserrée entre leurs flancs rejaillit sur les combattants placés sur le pont ; mais ses humides et