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Les vides qu’il remarqua dans plusieurs postes importants l’attristèrent d’abord en lui rappelant nos désastres de la baie de Lagoa. L’Hermite était peut-être le capitaine qui exposait le plus impitoyablement ses hommes pendant le combat, mais l’action terminée, son devoir accompli, il ressentait l’affliction profonde d’un bon père de famille frappé dans ses enfants.

Pendant l’inspection, il expliqua minutieusement aux canonniers la manière dont il voulait que l’artillerie fût servie ; puis trouvant dans son cœur et dans la connaissance qu’il possédait de son équipage de ces à-propos qui, dans la bouche d’un chef, enflamment ou soutiennent les esprits, il ne remonta sur le pont qu’après avoir fait passer dans l’âme de tous l’enthousiasme dont il était lui-même animé.

Cette revue – imposante et paternelle tout à la fois –, terminée, trois hourras simultanés et éclatants retentirent sur le pont en l’honneur de l’Hermite.

— À présent, messieurs, reprit-il en s’adressant à ses officiers, veuillez écouter, je vous prie, avec la plus grande attention, le plan de combat que je veux mettre à exécution. Jusqu’à présent, la manière de combattre, toujours uniforme, toujours la même, consiste à commencer par une volée et à finir par un coup de canon : je ne prétends pas en discuter le mérite. Seulement, dans la position difficile mon Dieu ! presque désespérée dans laquelle nous nous trouvons, nous devons sortir des règles ordinaires de la guerre : une tactique nouvelle peut seule nous sauver ! Je vais mettre en pratique une théorie que je médite depuis longtemps. Écoutez-moi bien. D’abord, je compte faire tout mon possible pour enlever ce vaisseau à l’abordage… Nous serons à peine un homme contre deux, j’en conviens… Mais n’oubliez pas, messieurs, que nous