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est là… Laisse là ton poste, puisque tu n’as pas assez de courage pour faire céder ta fatigue au devoir… et va-t’en.

— Capitaine, dit le matelot ému de la bonté de son commandant et en joignant ses mains par un mouvement naturel et irréfléchi, plein de désespoir et de prières, je suis dans mon tort… mais, voyez-vous, je ne sais pas comment ça s’est fait… enfin, laissez-moi à mon poste, je vous en prie… et si je me rendors, eh bien, qu’on me fusille !

— Je veux bien te pardonner cette fois ; mais souviens t’en.

— Ah ! capitaine, si jamais je…

Le matelot, embarrassé probablement pour achever sa phrase, se donna un énorme coup de poing sur la tête et se tut : ce coup de poing valait plus qu’un long discours.

— Lieutenant Dalbarade, reprit l’Hermite sans songer probablement que je me trouvais derrière lui à la barre et que je l’écoutais, vous êtes trop dur envers l’équipage… Je ne veux pas attribuer votre conduite à un caractère cruel, et j’aime mieux la rejeter sur l’excès de zèle que vous déployez dans l’accomplissement de vos devoirs ! Mais, croyez-moi, le premier devoir d’un chef est d’abord de se faire aimer de ses subordonnés, car c’est seulement au moyen de cet attachement qu’il peut obtenir d’eux ce dévouement qui rend l’impossible possible et permet d’accomplir de grandes choses.

M. Dalbarade ne répondit pas ; mais, à la façon dont il se pinça ses lèvres, je compris que la remontrance du capitaine était inutile et perdue.