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Aussitôt tous les yeux, toutes les longues-vues de nuit se dirigèrent vers le point de la boussole qui excitait nos alarmes : le vaisseau anglais avait disparu !

Une fois que ce fait fut bien constaté, à l’unanimité, par tous les officiers, le capitaine ordonna de laisser arriver vent arrière, pour faire fausse route, et de paqueter, tant bien que mal, les voiles au plus vite.

L’obscurité qui nous enveloppait alors était si profonde, que nous ne pouvions presque plus distinguer le faîte de notre mâture ; or, il était bien permis de croire que si nous n’apercevions plus l’ennemi, quoiqu’il eût ses huniers établis et qu’il nous présentât le travers, à plus forte raison la frégate, mise alors à sec de voiles et placée de bout, était devenue pour lui invisible. L’espoir commença à rentrer dans le cœur de l’équipage.

Néanmoins, et en dépit de toutes les chances favorables, à un mouvement de tête que fit l’Hermite en descendant de la dunette et à un singulier regard qu’il jeta du côté où devait se trouver l’ennemi, je restai convaincu, tant j’avais confiance dans l’infaillibilité de notre commandant, que nous n’étions nullement hors d’affaire.

Deux heures étaient sonnées depuis près de vingt minutes, lorsque la lune, dissipant les vapeurs lointaines de l’Est, se montra radieuse. Tous les regards se tournèrent spontanément vers l’ennemi, et toutes les bouches laissèrent échapper une expression de joie en ne le voyant plus à l’horizon. Presque au même instant, l’Hermite, placé en observation avec son lieutenant en pied, près du couronnement, appela l’officier de manœuvre.

— Comme je m’y attendais, monsieur Fabre, dit-il tranquillement, la lune nous a trahis. Voyez, le vaisseau nous chasse encore dans notre fausse route !

— Hélas ! c’est vrai, commandant ! Il a le cap sur nous