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plus que le bruit sourd des canons retombant lourdement sur le tillac à chaque coup d’anspect nécessité pour le pointage.

- Amène le numéro, hisse le pavillon, et feu partout, s’écria l’Hermite.

Nous nous trouvions si rapprochés de l’anglais que son commandement arriva également à nos oreilles ; par un singulier hasard, les deux capitaines prononcèrent le mot Feu ! en même temps.

Les deux bordées éclatèrent comme un seul coup de tonnerre.

Il paraît que la fatalité qui depuis cinq jours semblait s’acharner après nous n’était pas encore satisfaite de nos désastres ; car, bien que nous eussions tiré du côté du vent, la mer embarqua en pleins sabords.

Ce malheur nous démontra jusqu’à l’évidence qu’il y avait impossibilité matérielle à continuer l’action de la batterie.

— Qu’on hale les pièces dedans et qu’on les recharge, dit l’Hermite de cette voix calme et tranquille qui était sa voix de combat. – Vous, monsieur Fabre, poursuivit-il, faites larguer les trois ris de chacun des huniers, et orientez à deux quarts de largue, sous les voiles majeures, la brigantine, la grande voile d’étai et le grand foc !… Quel malheur ! mon cher Graffin, continua-t-il en s’adressant à cet enseigne, son favori, d’avoir sous les pieds un navire mauvais marcheur !… Enfin, j’espère que sous cette nouvelle allure, qui lui est la plus favorable, la Preneuse pourra se soustraire… n’ayez pas cet air désespéré, monsieur Graffin… se soustraire, hélas ! momentanément, entendez-vous, à la poursuite de l’anglais… Car ce serait folie, vraiment, d’engager le combat avec seulement nos canons de gaillard contre ceux de la batterie haute et des gaillards de notre ennemi.