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— Vraiment, messieurs, dit l’Hermite en voyant cette évolution, nous ne pouvons refuser de reconnaître à ce navire, quelque amour que nous portions à la Preneuse, une marche bien supérieure à celle de la frégate !

Au reste, le doute n’était plus possible : c’était un vaisseau de guerre que nous avions par notre travers ; restait à reconnaître sa nationalité.

La tempête, en ce moment, comme si elle eût voulu s’associer par ses fureurs à la scène de carnage qui probablement allait avoir lieu, redoubla de violence. C’eût été un spectacle bien saisissant pour un habitant des villes, que ces deux navires secoués par une mer déchaînée, et qui oublient les dangers dont elle les menace pour ne songer qu’à s’attaquer et à se détruire.

Vingt fois des vagues énormes et irrésistibles nous rapprochèrent à une si petite distance de l’ennemi que nous crûmes à un abordage : si nos prévisions se fussent réalisées, notre perte et la sienne eussent été simultanées et communes ; pas un seul homme n’eût probablement survécu pour raconter cette catastrophe.

Enfin, l’Hermite profita d’une demi-éclaircie du temps pour opérer la reconnaissance.

— Hissez notre numéro, dit-il.

Et le numéro monta à la corne.

— À présent, attention.

En effet, à peine le capitaine achevait-il de prononcer ce dernier mot qu’un éclair brilla et qu’une détonation retentit : c’était un coup de canon à boulet que nous adressait ce vaisseau pour assurer ses couleurs anglaises.

Le silence qui régnait déjà à bord redoubla alors, si je puis me servir de cette expression, d’intensité ; on n’entendit