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à laquelle nous venions d’échapper comme par miracle ne se renouvellerait pas, et toutes les poitrines étaient oppressées.

Dans l’impossibilité où se trouvait la frégate, enveloppée dans une pareille tempête, de continuer à prêter le côté au vent, l’Hermite dut se résigner, notre salut commun exigeait impérieusement ce sacrifice, à orienter vent en arrière, et à abandonner à tout jamais, en fuyant devant le vent, ces funestes parages, et l’espoir de la revanche que nous espérions reprendre dans la baie de Lagoa.

Toutefois, ce changement d’allure laisse le danger exister en entier pour nous ; d’un instant à l’autre la Preneuse peut se trouver encore engagée, et il n’est, certes, pas probable qu’un second miracle nous sauverait.

L’Hermite, réfléchi et pensif, étudie, avec cette expérience profonde qu’il possède au dernier point, les allures et les mystères de la tempête ; enfin, il semble s’arrêter à un parti. Tous les regards sont tournés vers lui ; et si dans ces regards se lit l’anxiété que nous cause notre position à peu près désespérée, on y voit aussi briller la confiance inébranlable qu’il nous inspire. Les plus minutieuses précautions sont prises ; déjà les charpentiers, les haches à la main, n’attendent plus qu’un seul mot pour couper le mât d’artimon et même le grand mât ; un silence solennel et profond, troublé seulement par les fureurs de la nature, règne sur toute la frégate.

L’Hermite enjambe quelques enfléchures des haubans d’artimon, et, les yeux fixés comme ceux d’un aigle vers le foyer de l’ouragan, qu’il interroge, il s’isole, par la force de sa pensée, de toute préoccupation qui pourrait troubler sa méditation.

Tout à coup ses traits resplendissent d’inspiration, et