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HISTOIRE DU CANADA.

tion profonde avait été ourdie pour renverser le gouvernement.

Maintenant qu’allait-il résulter d’un si grand bruit. Il fallait prouver devant l’opinion publique que le gouvernement avait eu raison dans tout ce qu’il avait fait, et que les projets des rebelles et des conspirateurs allaient être dévoilés au grand jour pour appeler sur la tête des coupables le châtiment qu’ils méritaient. Mais le public attendit en vain. Le château n’avait rien contre les accusés. Si les lois avaient été violées, c’est l’exécutif lui-même qui s’était rendu coupable. Les prisonniers demandèrent leur procès, et l’on recula ; ils demandèrent leur élargissement et les cours esclaves de la volonté de l’exécutif, refusèrent jusqu’à ce qu’il plut enfin à celui-ci de leur faire ouvrir les portes de leur prison. La maladie de quelques uns des accusés fournit un prétexte au bout de quelque temps pour les mettre dehors les uns après les autres, en leur faisant donner caution de comparution à première demande pour sauver les apparences. Corbeil ne fut élargi que pour aller mourir au sein de sa famille d’une maladie qu’il avait contractée dans son cachot. Bédard, le chef du parti, ne voulut point profiter de la liberté donnée aux autres ; il refusa de quitter sa prison avant d’avoir subi son procès et mis sa réputation hors de toute atteinte par le jugement d’un jury. Il resta inflexible dans sa résolution, protestant sans cesse de l’intégrité de sa conduite et de ses opinions politiques, et répudiant avec hauteur toute imputation de déloyauté ou de désaffection envers le gouvernement ou la personne du souverain. Cette persistance devint bientôt un embarras grave pour l’exécutif qu’elle compromettait. Sir dames Craig lui-même fut obligé de reconnaître l’estime que méritaient la fermeté et l’indépendance de sa victime. Le pays n’avait pas été longtemps sans reconnaître dans ce qui venait de se passer un complot formé par les fonctionnaires et les intrigans pour perdre la représentation aux yeux du peuple lui-même et de la métropole. Partout les électeurs soutinrent leurs mandataires, et presque tous les anciens membres furent réélus à de vastes majorités ou sans opposition. M. de Bonne la cause première de ces difficultés ne se présenta point aux suffrages des électeurs. On rapporte qu’on avait promis de le nommer au conseil législatif et qu’on ne le fit pas. Quelque temps après il se démit de sa charge de juge.