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HISTOIRE DU CANADA

les Anglais de Montréal, qui marchaient à la tête de tous ceux du pays, et lord Durham. Il y avait bien quelque méfiance chez quelques uns d’eux ; mais les hommes les plus influens paraissaient saisis de la vraie pensée du chef du gouvernement, et l’appuyaient de tout leur pouvoir. Ils le reçurent avec les plus grands honneurs lorsqu’il passa par leur ville pour se rendre dans le Haut-Canada dans le mois de juillet. Dans cette tournée, Lord Durham rallia la majorité du Haut-Canada à son plan d’union après les explications qu’il donna aux chefs ; il fut reçu partout de manière à le satisfaire.

Mais il devait se hâter de jouir de ces honneurs, car bientôt des désagrémens plus sensibles pour lui que pour un autre, devaient appesantir dans ses mains le sceptre de sa vice royauté. Un mécontentement inexplicable était resté dans le parlement contre sa mission. Le secret dont on l’entourait au sujet des Canadiens, semblait causer de l’inquiétude et comme de la honte. Tout était décidé d’avance dans le secret de la pensée, et cependant on feignait d’agir comme si on ignorait complètement ce qu’on allait faire. La chambre des lords surtout était blessée de ce système de déception qui entraînait après lui des actes illégaux de clémence et des actes légaux de tyrannie, comme l’étaient l’amnistie et la constitution des deux conseils composés de serviteurs stipendiés et dépendans de la couronne. Lorsque l’ordonnance du conseil spécial qui graciait les accusés politiques ou les exilait à la Bermude, fut connue en Angleterre, elle fut aussitôt déclarée illégale et contraire à l’esprit de la législation anglaise. Lord Lyndhurst dit que jamais mesure plus despotique n’avait déshonoré les fastes d’un pays civilisé. Les ministres essayèrent de défendre leur gouverneur, et déclarèrent que ce langage était imprudent au plus haut degré ; que c’était trahir les intérêts du pays et les sacrifier aux intérêts de parti et à l’envie d’attaquer un individu. Lord Brougham, lord Ellenborough déclarèrent que le conseil formé par lord Durham n’était pas ce que la législature impériale avait eu en vue en autorisant la constitution d’un conseil spécial. On blâma encore l’emploi de M. Turton, qui avait subi une condamnation en Angleterre pour crime d’adultère. Lord Brougham introduisit un bill pour légaliser autant que possible l’ordonnance du conseil spécial, qui entraîna des débats