Page:Garneau - Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours, tome IV, 1852.djvu/266

Cette page a été validée par deux contributeurs.
270
HISTOIRE DU CANADA

ciations politiques étendaient leurs ramifications parmi les ouvriers pour les exciter à appuyer la majorité de la chambre. On faisait les plus grands efforts pour soulever partout le peuple, mais on excitait plutôt la curiosité du grand nombre que les passions. Loin des villes, loin de la population anglaise et du gouvernement, il vit tranquille comme s’il était au milieu de la France, et ne sent que très rarement les blessures du joug étranger. La peinture qu’on lui faisait des injustices et de l’oppression du vainqueur n’excitait que bien lentement les passions de son âme et ne laissait aucune impression durable. D’ailleurs il n’avait pas une confiance entière dans tous les hommes qui s’adressaient à lui. Il en avait vu tant accuser le gouvernement d’abus et de tyrannie et accepter les premières faveurs qu’il leur offrait, qu’il était toujours prêt à soupçonner leurs motifs et leur bonne foi, et à se mettre en garde contre leur désertion.

Cependant sur quelques points il commençait à oublier sa prudence. Le comté des Deux-Montagnes était déjà fort agité depuis quelque temps. À St.-Denis et en plusieurs autres endroits on fêta les officiers de milice et les magistrats destitués ; on forma des associations secrètes, et l’on commença à parler de résistance ouverte. Déjà une association de jeunes gens s’était formée à Montréal sous le nom de Fils de la liberté ; elle publia un manifeste menaçant pendant que l’association constitutionnelle anglaise en publiait un dans un sens contraire. Ces associations avaient leurs agens dans les campagnes.

À Québec quelques jeunes gens, avocats, notaires et autres, après avoir vainement essayé de former une organisation semblable à celle des Fils de la liberté, reçurent un envoyé secret du district de Montréal, qui les informa qu’on allait prendre les armes, et qui les détermina à en faire autant. Un d’eux, M. Cazeau, homme facile à exciter et qui acheva de se ruiner dans ces troubles, comptant sur les ouvriers du St.-Roch, prépara quelques balles qu’on eut beaucoup de peine à cacher à la police, lorsque plus tard elle fit une descente chez lui. Ce club secret avait pris M. Morin pour chef. Mais ses idées ne faisaient pas grand progrès. M. Morin s’en plaignait à ses amis de comité central des Deux-Montagnes. Il leur écrivait le 25 octobre, pour les remercier de la manière dont ils appréciaient ses efforts pour le soutien des