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HISTOIRE DU CANADA

faire en vue du bien public seulement et non sous l’influence de l’or et des places. Le devoir de tout représentant du peuple était de refuser toute faveur jusqu’après l’arrangement des difficultés, afin de conserver son indépendance et de ne pas paraître influencé par l’intérêt personnel. Le moment était trop solennel pour s’occuper de soi lorsque l’existence politique de tous les Canadiens était en question. Cette grande faute du parti modéré n’échappa pas à ses adversaires, qui en profitèrent pour l’exposer aux yeux du public, qui donna dès lors par ironie le nom de petite famille à M. Bedard et à ses amis, pour désigner des hommes qui servaient leurs intérêts avant ceux du pays. C’était détruire leur influence dès le début de la nouvelle voie dans laquelle ils entraient, et dans laquelle la majorité des Canadiens eussent suivi des hommes indépendans et énergiques, qui n’auraient pas plus fléchi devant les appâts du pouvoir que devant les menaces de la rébellion. Le vrai patriote tout pauvre qu’il est, tient plus de place dans le cœur du peuple que l’agitateur riche et puissant dont on soupçonne toujours l’ambition.

La majorité de l’assemblée fut entraînée par l’éloquence de M. Papineau. La nomination de M. Bedard comme juge formellement annoncée, loin d’apaiser les esprits, les excita, suivie qu’elle fut presqu’aussitôt après du refus du gouverneur de destituer le juge Gale, dont le ministre qui avait succédé à M. Spring Rice avait confirmé la nomination. Le conseil plus opposé que jamais à la chambre, rejetait presque tous les bills qu’elle lui envoyait, ce qui la confirmait dans l’opinion que le gouvernement voulait la tromper et que le conseil lui, servait d’instrument. Sur 106 bills passés par l’assemblée dans la session, 61 furent ainsi étouffés ou mutilés, et c’étaient les principaux. En voyant ce résultat, les hommes versés dans la politique et qui connaissaient la dépendance du conseil, étaient convaincus que le gouvernement jouait un rôle double et qu’il excitait par des moyens secrets et détournés une chambre contre l’autre. La dernière lutte entre l’exécutif et l’assemblée allait se porter sur la question des subsides. Les débats durèrent deux jours. On y répéta ce qui avait déjà été dit tant de fois. Une grande partie des membres prirent la parole. M. Morin proposa d’accorder six mois de subsides. M. Vanfelson proposa en