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HISTOIRE DU CANADA.

grande et élevée. Tous deux étaient presque des amis d’enfance, et avaient toujours combattu ensemble pour la même cause. M. Cuvillier, M. Quesnel étaient de leur côté des hommes libéraux, mais modérés, aimant leur pays et jouissant d’un caractère qui faisait honneur à leurs compatriotes.

M. Papineau en se séparant de tant d’hommes sages pour se lancer dans une lutte contre l’Angleterre, prenait une grande responsabilité sur lui. Sans doute que ce qu’il demandait était juste, sans doute que si ses compatriotes eussent été d’origine anglaise au lieu d’être d’origine française, le bureau colonial eût accordé toutes leurs demandes sans objection. Mais l’équité ne triomphe pas toujours ; les préjugés nationaux font commettre bien des injustices. C’est au patriote, c’est à l’homme d’état de considérer tous les obstacles, de peser toutes les chances et de régler sa conduite de manière à obtenir le plus grand bien possible pour le moment en attendant le reste de l’avenir, sans livrer ce qu’on a déjà au risque d’une lutte désespérée. Il n’y avait pas de honte pour les Canadiens à prendre ce parti. Un petit peuple d’un demi-million d’habitans pouvait souffrir une injustice d’une puissance comme l’Angleterre sans flétrissure. Le déshonneur est pour le fort qui foule et tyrannise injustement le faible.

Lorsque M. Papineau fut de retour chez lui encore tout excité par ses luttes parlementaires, il commença à déposer sur le papier les griefs de ses compatriotes contre l’Angleterre. Malheureusement la liste en était longue et leur réminiscence ne fit qu’aigrir davantage son âme ardente. Il arriva à la session suivante avec ce travail en ébauche.

Le gouverneur informa les chambres, ouvertes le 7 janvier 1834, que le roi avait nommé un sur-arbitre pour faire le partage des droits de douane entre les deux Canadas, et que le rapport accordait une plus grande part que de coutume au Haut ; qu’il serait nécessaire de renouveler la loi d’éducation et les lois de milice qui expiraient, et de reprendre la question des finances sans délai, afin que la métropole vit ce qu’elle aurait à faire.

Plusieurs membres voulaient cesser tout rapport avec l’exécutif et passer de suite à la considération de l’état de la province. M. Bourdages toujours à la tête des hommes les plus avancés,