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HISTOIRE DU CANADA.

merce et des mers. Avec une politique ferme et habile, les Canadiens pouvaient triompher des antipathies métropolitaines et mettre les intérêts éclairés à la place des préjugés aveugles. Car on ne pouvait croire sérieusement qu’une nation comme l’Angleterre fût jalouse des institutions d’un peuple de quelques centaines de mille âmes relégué à l’extrémité de l’Amérique. Malheureusement dans une petite société les passions personnelles obscurcissent les vues élevées, et les injustices senties trop vites et trop directement font oublier la prudence nécessaire pour attendre des remèdes efficaces et souvent fort tardifs. C’est ce que va nous faire voir la suite des événemens que nous avons à raconter. On oubliait aussi que dans la série d’hommes qui tenaient successivement comme ministres le portefeuille des colonies, il pouvait s’en trouver qui n’entrassent pas bien avant dans le projet de l’union des deux Canadas, et c’est ce qui arriva. Lord Goderich, par exemple, ne montra pas, par ses actes, un grand désir d’en accélérer la réalisation. Mieux éclairé qu’aucun de ses prédécesseurs sur le Bas-Canada par ses entrevues fréquentes avec M. Viger, il parut au contraire vouloir faire plus de concessions qu’aucun de ses prédécesseurs. C’est lui qui venait de faire la dernière proposition sur les subsides, laquelle comportait la concession de presque tout ce que l’on demandait sur cette question capitale.

Néanmoins la chambre ne voulant tenir aucun compte des oppositions que ce ministre avait peut-être à vaincre dans le milieu dans lequel il agissait pour obtenir ces concessions de ses collègues, resta en garde contre lui comme contre tous ses prédécesseurs, et au lieu d’accepter la liste civile qu’il proposait, elle demanda copie des dépêches qu’il avait écrites à ce sujet. Lord Aylmer répondit qu’il regrettait de ne pas avoir la liberté de les communiquer. Il existe une règle générale pour tous les gouverneurs, d’après laquelle ils ne peuvent montrer aucune dépêche des ministres sans permission du bureau colonial.[1] La chambre se montra blessée de ce refus et ordonna un appel nominal pour

  1. Lorsque je faisais des recherches pour cet ouvrage, le secrétaire de lord Elgin, le colonel Bruce, me montra cette règle dans un volume imprimé qui contient toutes celles qui doivent servir de guide aux gouverneurs de colonies.