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HISTOIRE DU CANADA.

et la droiture du pouvoir, qu’on entretenait malheureusement avec trop de succès parmi les hommes ignorans et inconsidérés ; et il était quelquefois du devoir des législateurs de chercher le bonheur du peuple même malgré lui. » Les imprudens et les ignorans dans le langage de M. Ogden, c’étaient les Canadiens-français qu’il voulait régénérer comme l’avaient été ses pères. Celui qui prenait ainsi le langage de l’insulte, et qui taxait d’ignorance le sentiment de la nationalité si profondément gravé dans le cœur de tous les peuples, était le descendant d’un des deux Hollandais qui contractèrent en 1632 pour bâtir les murs d’une église à New-Amsterdam pour la somme de 1000 piastres. Ils ne pensaient pas, sans doute, qu’un de leurs descendans, chassé de leur pays, parlerait ainsi d’un peuple planté en Amérique par le grand roi Louis XIV, le terrible voisin de leurs ancêtres. L’amendement de M. Ogden, que le président refusa de recevoir parcequ’il était en opposition directe avec les résolutions qui venaient d’être adoptées, ne rallia que trois voix lorsque son auteur appela à la chambre de la décision du fauteuil.

Pendant que partout en Canada l’on se levait et protestait contre cette mesure, les townships de l’Est se plaignaient que leurs intérêts étaient négligés, excités par les affidés du château. Ils demandèrent à être représentés dans l’assemblée, et lord Dalhousie recommandait l’intervention du parlement impérial pour satisfaire leurs vœux. Il approuvait en même temps le conseil d’avoir rejeté le bill passé par la chambre, pour augmenter la représentation générale.[1] On ne savait enfin quel moyen prendre pour diminuer, pour neutraliser le nombre des représentans Canadiens et augmenter celui des Anglais, quoique la proportion de ces derniers fût déjà bien plus élevée que celle des habitans de leur origine, dans la population entière.

On s’attendait que la question des subsides allait revenir sur le tapis et amener la répétition des débats qui troublaient le pays depuis tant d’années ; mais contre l’attente de bien du monde, elle reçut une solution temporaire. Le gouvernement sépara dans les estimations qu’il transmit à l’assemblée, la liste civile des autres dépenses. Cette distinction déplut aux deux partis ; mais à l’aide de termes généraux susceptibles de différentes interpré-

  1. Dépêche de lord Dalhousie au ministre, 5 avril, 1825.