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HISTOIRE DU CANADA.

ment sans attendre le message ordinaire du gouverneur. Mais cette initiative empressée porta ombrage. Le conseil qui redoutait quelqu’embûche, s’empressa de signaler les défauts de l’appropriation. Une partie du revenu public était déjà appropriée d’une manière permanente par d’anciennes lois, et l’assemblée l’avait comprise dans son vote pour soumettre ainsi sans doute la totalité du revenu à son contrôle. C’était une usurpation de pouvoir et un acte d’ambition qu’il fallait s’empresser de repousser, et de prime abord il rejeta la liste civile en déclarant : « Qu’il avait incontestablement le droit de contribuer au vote du bill des subsides ; que ce droit s’étendait à l’adoption et au rejet du bill, et qu’aucune appropriation ne pouvait être faite sans son concours. Qu’il ne prendrait en considération aucun bill de subsides sans la recommandation du représentant du roi, ou s’il était divisé par chapitres et par articles, et si sa durée était pour moins que pour la vie du roi ; qu’enfin il ne considérerait aucun bill d’appropriation d’argent dépensé sur l’adresse de la chambre, si ce n’était pour payer les dépenses de cette chambre elle-même ou pour subvenir à quelque besoin imprévu et pressant. »

La chambre ne fit pas attendre sa réponse ; elle déclara à une grande majorité : « Que le conseil ne pouvait ni lui prescrire ni lui dicter la forme ou la manière de voter les subsides non plus qu’aucune autre mesure, et que toute tentative à cet effet était une infraction de ses privilèges ; que ce droit de proposer les subsides lui appartenait exclusivement, et que les résolutions du conseil étaient contraires aux usages parlementaires et à la constitution. »

Le conseil sans tenir compte de ce protêt, persista dans sa détermination et rejeta le bill. La chambre pour ne pas arrêter le gouvernement faute d’argent, mit par un vote spécial les fonds nécessaires à sa disposition. Lord Dalhousie qui s’entendait avec le conseil, répondit qu’il avait considéré la question avec la plus grande attention et que ce vote était insuffisant sans le concours de celui-ci. On en resta là, le conseil ne voulant point entendre parler de subsides à moins que la totalité ne fût votée en bloc pour la vie du roi, et l’assemblée persistant à les voter par chapitres et par année afin de pouvoir contrôler l’exécutif par ce moyen tout-puissant. Ce contrôle du reste était essentiel à son existence. La force militaire du gouvernement indépendante d’elle, laissait