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HISTOIRE DU CANADA.

Eh ! de quoi pourraient se plaindre quelques-uns de nos frères anglais en nous voyant décidés à conserver avec nos lois, usages et coutumes, notre langue maternelle, seul moyen qui nous reste pour défendre nos propriétés ? Le stérile honneur de voir dominer leur langue pourrait-il les porter à faire perdre leur force et leur énergie à ces mêmes lois, usages et coutumes qui font la sécurité de leur propre fortune ? Maîtres sans concurrence du commerce qui leur livre nos productions, n’ont-ils pas infiniment à perdre dans le bouleversement général qui en serait la suite infaillible, et n’est-ce pas leur rendre le plus grand service que de s’y opposer ?

Ces discussions agitaient profondément les Canadiens. En effet l’abandon de la langue maternelle n’est pas dans la nature de l’homme, dit un savant[1] ; elle ne tombe qu’avec lui, si même elle ne lui survit pas. Comme cela devait être, tout l’avantage de la discussion resta à ceux qui repoussaient l’oppression, et comme la première fois la division sur l’amendement de Grant, montra tous les Anglais pour et tous les Canadiens contre, excepté toujours M. P. L. Panet, L’amendement fut repoussé par les deux tiers de la chambre. Plusieurs autres dans le même sens furent encore proposés par M. M. Lee, Richardson et les orateurs les plus remarquables du parti anglais, et subirent le même sort après trois jours de discussions. La résolution définitive fut, que tous les procédés de la chambre seraient dans les deux langues ; mais que le français ou l’anglais serait le texte des actes législatifs selon qu’ils auraient rapport aux lois françaises ou aux lois anglaises existants en Canada.

Dans cette importante question, l’on voit que les membres anglais élus par les Canadiens, trahirent sans hésitation les intérêts et les sentimens les plus intimes de leurs commettans. Ils prouvèrent que leurs opinions de 64 n’avaient point changé, et qu’ils étaient toujours les organes du parti qui ne cessait point de porter contre tout ce qui était catholique et français cette haine aveugle qui a inspiré plus tard l’un de leurs partisans dans le passage suivant : « L’acte de 74 a été injudicieusement libéral envers le clergé et les hautes classes, et celui de 91 envers la

  1. Gazette de Montréal, 11 février 1793.
    Lettres sur l’origine des sciences par Bailly.