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DISCOURS

les ombres gigantesques et barbares de ses maîtres, qui le couvrent presque en entier. On ne voit agir que ces chefs absolus qui viennent à nous armés d’un diplôme divin ; le reste des hommes, plèbe passive, masse inerte et souffrante, semble n’exister que pour obéir. Aussi les historiens courtisans s’occupent-ils fort peu d’eux pendant une longue suite de siècles. Mais à mesure qu’ils rentrent dans leurs droits, l’histoire change quoique lentement ; elle se modifie quoique l’influence des préjugés conserve encore les allures du passé à son burin. Ce n’est que de nos jours que les annales des nations ont réfléchi tous leurs traits avec fidélité ; et que chaque partie du vaste tableau a repris les proportions qui lui appartiennent. A-t-il perdu de son intérêt, de sa beauté ? Non. Nous voyons maintenant penser et agir les peuples ; nous voyons leurs besoins et leurs souffrances ; leurs désirs et leurs joies ; ces masses, mers immenses, lorsqu’elles réunissent leurs millions de voix, agitent leurs millions de pensées, marquent leur amour ou leur haine, produisent un effet autrement durable et puissant que la tyrannie même si grandiose et si magnifique de l’Asie. Mais il fallait la révolution batave, la révolution de l’Angleterre, des États-Unis d’Amérique, et surtout celle de la France, pour rétablir solidement le lion populaire sur son piédestal.